RécitDesTempsOubliés

20 - Et...

Les Écorcheurs furent enchaînés et conduits sans ménagement hors du cirque. Ils étaient peu nombreux, entre deux et trois cent, mais plus du double flottait le corps transpercé par les flèches des archers d'Artus malgré les violentes rafales de vents tourbillonnants.
La tempête ne faiblissait pas. Gabriel, inquiet par la montée rapide des eaux, ordonna la visite des grottes où il fut découvert des femmes et des enfants trop faibles pour se déplacer et un grand nombre de blessés de la dernière attaque de Limauville dont la majorité portait sur le visage, comme Bardas, l'infamante cicatrice infligée par Judas et ses sbires. Le dernier blessé fut transporté sur un radeau improvisé, les eaux envahissaient les grottes.

La population de Limauville, prévenue la veille par Aymeric, jaillit hors les murs lorsque qu'apparut sur la plaine l'armée victorieuse. L'allégresse était grande.
Mais l'humeur changea quand la foule aperçut les prisonniers enchaînés, la liesse devint rage, les pierres jaillirent dans un hurlement de haine. Un mur d'acier se forma entre les prisonniers et la foule qui redoubla de violence. Surgit de nulle part, deux géants resplendissants sur leur puissant destrier, tête nue, cheveux au vent, épée au clair, Gabriel, Artus et Aymeric, Seigneur de Limauville, dans ses atours de fête, firent face à la foule déchaînées, et le calme revint. Aymeric présenta à son peuple leur sauveur, leur roi. Gabriel prononça quelques mots d'apaisement et les braves gens, oubliant leur haine et leur soif de vengeance le portèrent en triomphe jusqu'à la grande salle d'apparat du château.

Limauville devint la capitale provisoire du royaume. Elle servit un temps d'hôpital pour les rescapés des rafles de Judas L'Écorcheur. Les hommes surnommés "les souriants", leurs femmes et leurs enfants furent déclarés innocents de tous crimes par décret royale et libre de s'installer où ils le désiraient. Beaucoup choisirent de rester au service du roi. Quelques Souriants partirent parcourir les chemins du royaume pour conter les "Exploits du Bon Roi Gabriel".
Les Écorcheurs rescapés ne bénéficièrent d'aucune clémence royale et furent condamnés au travaux forcés à perpétuité.

Les "Exploits du Bon Roi Gabriel" furent rapidement connus dans tout le royaume et traversèrent même les frontières. Les provinces, les villes, les bourgs de tout le royaume envoyèrent des hérauts pour proclamer leur fidélité au nouveau roi. La guerre de reconquête n'eut pas lieu, hormis quelques points de résistance vite détruits.

Gabriel accueillit à bras ouvert les ambassadeurs des royaumes voisins et se consacra entièrement au bien-être de ses sujets. Il développa et rendit obligatoire l'enseignement, créa un institut de recherche, encouragea les arts et le commerce, promulgua un nouveau code de lois.

Le temps passait, il épousa la mère de la petite Eloïse devenue une gracieuse jeune fille. De cette union naquirent une princesse et un prince qui firent la joie du couple royal et du peuple. L'emplacement de la nouvelle capitale avaient enfin été trouvé et les travaux débutaient. Et les années firent place aux décades. La richesse affluait dans tout le pays. Les royaumes voisins venaient demander conseils au puissant roi en sa nouvelle capitale, appliquaient les réformes de Gabriel et envoyaient leurs élites étudier dans les universités du royaume. Les peuples des Terres Glacées avaient demandé à faire allégeance et le royaume venait de s'agrandir de deux nouvelles et grandes provinces. La paix régnait sur le Monde...

Un jour, Gabriel vit ses cheveux blancs et su qu'il était temps de faire ce qu'il n'avait pas voulu faire à son retour des Terres Glacées. Le temps était enfin là pour lui de se rendre sur les ruines de l'ancienne cité royale, la cité de ses ancêtres, la cité de son enfance insouciante.

il donna une fête gigantesque dans tout le royaume. Il convoqua ses fidèles compagnons, les représentants de son peuple, les ambassadeurs des royaumes voisins. Et devant sa famille, ses compagnons et la foule réunit dans la grande salle du trône, médusés, il déclara qu'il abdiquait au profit de son fils. Il allait faire retraite, seul, à la vieille cité ensevelie. Il résista longtemps devant les protestations mais fini par accepter la compagnie de sa femme, la reine, d'Artus, d'Aymeric et de Bardas.

Toute la cité était sur les remparts, pleurant silencieusement le départ de leur roi tant aimé.
Cinq silhouettes s'éloignaient en ce froid et radieux matin d'automne.
Sans un regard vers l'arrière, sans un geste d'adieu, ils disparurent dans la brume légére...

Jamais, on ne les revit.

Alors de son épée Étincelante jaillit l'Éclair qui terrassa le Dragon Judas
"LesExploitsDuBonRoiGabriel"

Ainsi fini la légende de celui
que l'on nomme aujourd'hui :

"LE SAINT ARCHANGE GABRIEL"