Ou "une histoire du Dahu"

-" Mais qu'est-ce que tu lui a raconté ! ??? ".
Me demande ma sœur au téléphone.

- " A qui ? Quand ?"
- " Hier, à Pierre, bien sûr !"
- " Rien, pourquoi ?"
- " Oh, je t'en pries ! Il m'a arraché le balai des mains en criant qu'il fallait pas balayer, que j'étais méchante, qu'à cause de moi des gens tuaient des gentils animaux...."
- " Hier ??? J'ai raconté à Alexandre, la chasse au Dahu. Pierre n'était pas là, il jouait dans le jardin..."

Léger retour en arrière...

Mercredi 12h00 :
Je reviens de la plage, où j'avais retrouvé ma mère et ma lyonnaise de sœur, ainsi que notre neveu Pierre (et petit fils pour ma mère, mais était-ce nécessaire de préciser). J'avais appris que je devais retourner avec lui chez mon autre soeur, sa mère, et que mon beau-frère m'invitait à manger (traduction : tu pourrais pas garder les enfants ? Je ne suis pas "tonton gâteau" pour rien, moi ^^ ) avec Pierre tout fier de me montrer le nouveau chemin, découvert depuis peu, pour rentrer à la maison, ce qui nous évitait d'emprunter cette rue abrupte, sinueuse, très étroite et sans trottoir où des criminels sans cervelle circulent à "tout'beurzing" se croyant sur le circuit Paul Ricard.
Personne, la maison est vide et grande ouverte...

12h30 :
Mon beau frère arrive en coup de vent : "Excuse-moi, je suis à la bourre, je dois aller chercher Germain (le grand frère, magicien du basson) au Conservatoire, je dois y être à 13h, avec tous ces embouteillages, je dois partir maintenant... tu peux faire des pâtes, et il y a des steaks hachés dans le congél... Je serai de retour vers 14h00 !" Et le voilà reparti sur son cheval à deux roues, Vroum-vroum ! Petpet !

13h00 :
La table est mise sur la terrasse, sous l'auvent, à l'abri du soleil et du vent et le repas est presque prêt.

Alexandre (le cadet) rentre du collège ou il vient de débuter sa 6ème.

- " Tu arrives juste à temps pour manger !"
- " Non , j'ai déjà mangé à la cantine ... Il est où mon père !" dit-il en m'embrassant.
- " Il est parti au Conservatoire, à la chasse au Germain !"

Grimace ...

- " A la chasse à quoi ?"
- " Au Germain, un peu comme la chasse au Dahu !"

Étonnement, intérêt ...

- " C'est quoi Dahu ?"
- " Quoi, tu ne sais pas ce qu'est le Dahu ?"
- " Non !"
- " Et personne ne t'a jamais raconté l'histoire de la chasse au Dahu ?"
- " Non !"
- " Ah bin alors !.. Je te la raconterai après avoir mangé. Tu veux appeler Pierre, pendant que je vais chercher les pâtes et les steaks ?"
- " Pourquoi pas pendant que vous mangez ?"
- " Parce que c'est une histoire triste, et je préfère que Pierre ne l'entende pas... "
- " Ah !... D'accord !"

Belle excuse, en vérité, on ne me l'a jamais raconté à moi cette histoire ou vraiment succinctement. J'ai été, comme tout les enfants, je crois, "victime" de cette gentille plaisanterie. J'allais devoir l'inventer cette "chasse au Dahu" durant le repas...

Alexandre tourne, tourne, trépignant d'impatience que nous ayons fini de manger et que Pierre retourne à ses jeux au fond du jardin.

Voici donc "l'Histoire du Dahu" tel que je l'ai racontée à mon neveu Alexandre
ce mercredi 10 septembre au alentour de 13h30...

Impatience...

- " Alors !"
- " Alors quoi ?"

Trépignement...

- " LE DAHU !???"
- " Aaah ouiii !, le Dahu !"

Il est debout devant moi, ses yeux dans mes yeux, ses oreilles sur ma bouche, prêt à partir comme une fusée si je ne commence pas MAINTENANT ! TOUT DE SUITE !

- " Le Dahu est un animal très mystérieux, très craintif, et très intelligent, il se cache tellement bien qu'il est impossible de le découvrir. Il vit dans la montagne, il sort uniquement le matin de très bonne heure, quand il ne fait pas encore jour, mais qu'il ne fait plus nuit et le soir très tard quand il ne fait plus jour, mais que ce n'est pas encore la nuit, pour manger de l'herbe, des feuilles, des racines, des petits fruits du genre brimbelles, mûres, framboises et ce qu'il préfère : les champignons, tous les champignons."

Regard rivé sur moi, bouche légèrement ouverte...

C'est un animal très étrange qui ressemble à un gros chat et qui a deux particularités :

- " La première, ses deux pattes droites sont beaucoup plus courtes que ses deux pattes gauches, ce qui l'oblige à marcher toujours dans le même sens sur la pente de la montagne, les pattes courtes en haut de la pente et les pattes longues en bas pour ne pas culbuter.
La deuxième particularité, c'est une très longue queue, qui fait au moins trois fois la taille de son corps, très fine, très dure et toute droite, et qui se termine par une énorme touffe de poils très touffue. Et voilà pourquoi l'homme le chasse, pour lui couper la queue et en faire des balais, c'est les meilleurs balais qui soient..."

Regard triste...

- " C'est pas pour les manger alors ?, et ça fait des balais grands comment ?"
- " Oh ! Malheureux, il ne faut surtout pas en manger, sa chair est empoisonnée par tous les champignons vénéneux qu'il mange ! ... Pour les balais, c'est la taille des balais normaux..."
- " Les balais de maman, c'est des queues de Dahu ?"
- " Tu es fou, ça coûte excessivement cher, en plus c'est très rare parce que comme je te le disais tout à l'heure les Dahus sont des champions pour se cacher et qu'ils sont impossible à trouver."
- " Alors, comment ..."
- " C'est là ou c'est vraiment très triste. Les Dahu aime beaucoup les jeunes enfants, Ils adorent jouer avec eux. Et les chasseurs de Dahu le savent, alors juste avant la fin de la nuit, ils abandonnent un enfant en pleine montagne. L'enfant pleure parce qu'il a peur, le Dahu accoure à toute vitesse et joue avec lui pour le consoler qu'il en oublie que le soleil va se lever. Quand le soleil apparaît, il s'endort. Les hommes arrivent, l'attrapent et ils lui coupent la queue !... Méfies-toi si un jour, on te demande de partir à la chasse au Dahu..., quoique tu es peut-être un peu grand maintenant..."

Bouche bée , yeux écarquillés et horrifiés...

Puis doucement, une sourire se dessine, et ses yeux se mettent à pétiller et il me dit :
- "Toi, tu me raconte un bobard plus gros que toi !" (Je dois dire que suis "bien portant" ^^).
j'éclate de rire :
- " Je t'ai bien eu !... Tu pourras la raconter plus tard à Pierre..."

Ce qu'il a fait, apparemment, il n'a juste pas compris le "plus tard" et omis certains détails et surtout il n'a pas dit que ce n'était qu'un "gros bobard"...